Mon Histoire - Partie 4

Tant de choses se passaient à ce moment-là. Il était dans ce train roulant vers Bruxelles ce dimanche soir et il repensait à tout ce qu’il avait déjà vécu. Aux décollages d’avions, aux atterrissages à Copenhague. Aux milliers de kilomètres parcourus pour se retrouver finalement au même endroit. Aux voyages : en Europe et en Amérique. À sa vie qui était tout ; qui n’était rien. Quand il était loin, il écrivait pour ne pas oublier. Maintenant, il écrit pour se souvenir de ce qui s’était passé. De ces quelques mois pris en sandwich entre d’autres. Pourquoi faut-il vraiment se souvenir de tout ce que l’on a fait ? Pour laisser une trace de soi ? Pour exister. Pour être humain. Tout simplement.

Le premier septembre, les cours reprenaient. L’ennui et la routine également. La vie de navetteur. Les premières sorties. Les premières rencontres aussi. Les souvenirs sont devenus vagues aujourd’hui. Il y a un méli-mélo de visages, de bruits et d’odeurs. D’un soir devant la porte de son kot à Helsingborg où il fait la connaissance de Jonas, Ida et Emmanuel. C’était à la fin du mois d’août. C’était le moment de l’année ou les nuits sont encore courtes et les soirées encore longues. Il commençait déjà à se sentir moins seul. À apprivoiser son nouvel environnement. Ida était venu lui parler. Pas par politesse comme il apprendrait à en avoir l’habitude mais simplement par curiosité qui – est-il vraiment nécessaire de le rappeler – n’est un vilain défaut que pour les esprits bigots et obtus.

Pendant la semaine, elle était revenue frapper à sa porte pour lui proposer d’aller manger chez elle en compagnie de deux de ses voisins, un Britannique et un Suédois. La discussion était amicale et souriante, chacun exprimant à sa façon son simple bonheur d’être là. Tous respiraient l’innocence de leur jeunesse. Il fut décidé d’une excursion au Danemark pour le week-end suivant.

Le jour dit, ils ont marché vers le port. Les ferries opèrent la traversée vers le continent toutes les vingt minutes. L’arrivée se fait dans le port d’Helsingør, là où se situe le château de Kronborg, juste de l’autre côté du Sund. C’est le château de Hamlet. Bon au mauvais présage. Pendant la journée, on a dévoré des hot-dogs danois à l’incroyable couleur rouge vive et juste assez de bière que pour se sentir légèrement grisé sur le bateau du retour. Pour se sentir voguer vers des destinations lointaines alors que le voyage ne dure même pas une demi-heure. Oui, vraiment, ils étaient heureux d’être là. Lui aussi, il était heureux mais il ne pouvait jamais se permettre de l’être sans ressentir en même tems une pointe de mélancolie. Comme quelque chose qui lui pressait le cœur mais le plus grave est qu’il ne savait pas qu’il devrait en sortir. Amour. Haine. Indifférence. Angoisse.

En fait, il se sentait libre pour la première fois et il adorait cela. C’était angoissant et terriblement excitant à la fois de pouvoir enfin décider de ce qu’il allait faire de sa vie. Didier était loin et triste, lui était seul et heureux et savait qu’il allait devoir mettre fin à cette hypocrisie.