Mon Histoire - Partie 20
En vérité, ces grands espaces lui ont laissé la même
impression que quand il était aux Etats-Unis et qu’il avait passé toute une
journée dans la voiture pour aller dans le Colorado avec sa famille d’accueil
quelques années auparavant. Le fait de soudain réaliser que le monde était
vaste et qu’il n’en avait encore rien vu ; qu’il n’en connaissait rien. À
cette époque-là, il n’avait que seize ans et avait quitté Athus un peu comme on
fuit un mauvais rêve. On se réveille, on prend un verre d’eau et on va faire un
tour dans la cuisine pour finir un morceau de fromage qui traînait au frigo et
on retourne dormir parce qu’on sait qu’on aura besoin de toute ses forces pour
le jour qui suit.
Au moins, il aura appris qu’on ne peut jamais totalement
se défaire de l’endroit d’où l’on vient, quand bien même on le souhaiterait
jusqu’au plus profond de son être. Voilà encore une autre donnée de l’existence
à accepter. Tomber n’est pas la meilleure façon d’avancer, mais bien d’accepter
l’être que l’on est.
Ces grands espaces l’avaient en tout cas impressionné.
Force est de reconnaître que les Ardennes, ce n’est pas non plus le Far West.
Il les a donc retrouvés avec bonheur en traversant la Suède. Il commençait
alors à voir ce que ce pays avait d’américain. Comme les terres à n’en plus
finir ou une certaine idée de la liberté. Une certaine idée de la pudibonderie
et de la bigoterie aussi. Une certaine uniformité finalement ; cette
aversion pour les marginaux en tout genres. Mais cela faisait peu d’importance
pour lui. Il avait appris depuis longtemps à se fondre dans la masse et à ne
pas faire de vagues.